"Quand nous rêvons que nous rêvons,
le réveil est proche"
Novalis
Solance
« Solance » C’est ainsi que j’ai entendu pour la première fois le nom du site, de la bouche de mon père, ou de celui qu’on appelle Dgen’ – déformation de « djinn » ? , le génie des profondeurs…
On est à seuls à Solance ?
Les habitants de la commune disent « S’lens » Se - lance ?
Silences à Solance...
Carrière de Selens
Il faut traverser le bois, couper quelques lianes. On peut porter un chapeau, on avance nu-tête.
La carrière se présente d’abord comme une bouche au fond d’un trou. Une bouche crayeuse, on perçoit déjà la fraicheur de ses parois.
On progressera en obliquant systématiquement à gauche, pour contrarier le sens des aiguilles d’une montre, parce que c’est l’augure, parce que d’autres l’ont fait avant nous.
La nuit est grise. Grise des immenses blocs au-dessus de nos têtes, d’épais plafonds qui s’ouvrent, qui se retiennent, ne se taisent qu’à peine.
On a pied mais on baigne à hauteur de hanche, dans les anciennes eaux du lutécien. D’épaisses circonvolutions, volutes, spirales, les cérithes giganteum, décrivent cet âge.
Le bras du Dgen est équipé d’une forme de canne qui balaie le sol. Le sonar répercute fer, cuivre, étain. Limailles…
On creuse. Le choc du piolet évoque une très sourde détonation. A fleur de sol on est en 17. Boutons de toile de tente, cartouchières, insignes…
Plus loin, le piolet heurte un objet qui semble sous nos pieds à tous trois. On dirait le son d’une bombonne. Bombe ou bombonne ? On veut croire que dans cette lessiveuse reposent encore quelques louis d’or. On aperçoit l’anse, on envisage à tâtons l’immense forme naissante. Le O de la lessiveuse, en une folle torsion ou dérision s'est changé en une fleur nouvelle… C’est un 8…
2
L’inconscient des forêts. Freud, Shakespeare, Kurosawa.
Les forêts qui bougent abritent des théâtres. À Solens se trouvent un bar ou l’ombre d’un bar, des latrines, quelques tombes, un cimetière.
Ce jour là (un 18 juin) nous fûmes trois à rêver ce que nous cherchions.
Le quolibet s’invite parfois dans cette reconstitution du dehors au dedans : 1948 “ [un nom effacé] : Roi des cons ”
Cet effacement, ce manque, suggèrent un infini de possibles....
Cet effacement, ce manque, suggèrent un infini de possibles....
Sous terre, le rayonnement d’une lampe à gaz animée par le mouvement, les lignes de nos pas, constitue déjà ce théâtre d’ombres. De tristes cailloux deviennent coraux. De cette vision brouillée, amollie naissent des épaves, des consolations, des espoirs.
Il existe des théorèmes qui possèdent plus de vérité, d’humanité ? que le monde qu’ils ne décrivent pas, voir, qu’ils contredisent.
Nous sortons une première fois. À 19h c’est l’aube. Ourlés de rosée, les scolopendres, fougères issues du Dévonien (- 410 Millions d’années) tapissent les calcaires. D’imposants blocs forment une arche.
